L’anéantissement de Daech doit être la priorité de la communauté internationale.

Chers amis,

Vous pourrez retrouver en cliquant sur le lien suivant http://www.valeursactuelles.com/politique/cope-et-sfeir-laneantissement-de-daech-doit-etre-la-priorite-de-la-communaute ou ci-après, la tribune que j’ai co-signée avec Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l’Orient et Président de l’Institut libre d’étude des relations internationales (ILERI), pour appeler à la mobilisation de la communauté internationale contre Daech dans Valeurs Actuelles du 23 juillet 2015.

Bonne lecture,
Jean-François Copé


L’accord sur le nucléaire iranien qui vient d’être acté à Vienne commande une évolution majeure de notre regard sur l’orient compliqué. Daech s’étend. Il est à Syrte, au large des côtes maltaises, à quelques miles de l’Italie. Daech est dans le Qalamoun qui touche le Liban. Il est sur les frontières turques, jordaniennes, tunisiennes, saoudiennes. Demain peut-être au Golan, touchant Israël ? Nous lui dénions le titre de califat. Mais force est de constater que son ambition califale prend forme : les frontières Sykes-Picot sont abolies et le wilayat de Mossoul à Alep est rétabli, dans les limites des possessions de l’Atabeg Zengi, un des héros sunnites de la reconquête par le djihad des royaumes latins au 12ème siècle.

Daech nous hait. Tout ce que nous représentons, il le rejette : la liberté de conscience, l’égalité hommes-femmes, la fraternité universelle. Il l’a tragiquement montré à Paris en janvier et à Saint-Quentin-Fallavier en juin. Tant que Daech le pourra, il nous combattra, avec ses méthodes barbares.

Daech est donc notre ennemi mortel. Mais faisons-nous tout ce qui est en notre pouvoir pour le battre ? Nous multiplions, avec un succès limité, les conférences internationales, les frappes aériennes, les condamnations morales. Malheureusement, il s’agit d’une succession de paroles fortes et d’actes faibles. Une fermeté d’apparence qui se mue en impuissance. Si Daech prospère c’est aussi parce que la communauté internationale, Europe et Etats-Unis compris, ne fait pas tout pour l’en empêcher.

Oui, nous ne faisons pas tout pour enrayer la progression de Daech en Irak et en Syrie. En Irak où nous avons laissé un pouvoir chiite sectaire humilier la minorité sunnite qui, de dépit, s’est jetée dans les bras de Daech. En Syrie, où nous fermons les yeux sur l’avancée de Daech, au prétexte que le régime sanguinaire de Bachar al Assad est soutenu par Moscou et Téhéran. Il faut s’interroger sur l’efficacité de ce rejet en bloc du régime syrien. La France a par exemple fermé son ambassade à Damas. Ouverte, elle aurait pu accueillir les opposants en danger tout en étant un canal de dialogue direct avec le régime. Nous avons aussi pleuré la chute de Palmyre. Mais qu’est-ce qui nous empêchait de bloquer la progression éclair de Daech depuis l’Euphrate jusqu’à Palmyre ? Techniquement, rien. La zone est plate et désertique. Nous pouvions bombarder les colonnes de Daech. Nous ne l’avons pas fait. Pourquoi ? Car nous n’avons pas voulu donner le sentiment d’aider l’axe Assad – Poutine – Khamenei. En politique, comme en diplomatie, il faut pourtant choisir le moindre mal. Les ennemis de nos ennemis devraient être nos alliés de circonstance. Et quel est notre pire ennemi sinon Daech ?

Oui, nous avons permis la progression de Daech en Libye. Sauver Benghazi était une noble cause. Libérer la Libye du joug de Kadhafi aussi. Mais laisser mourir aujourd’hui la population de Syrte est à notre déshonneur. Quand on détruit un régime, il faut en assumer les conséquences et préparer l’après. Créer les conditions de la stabilité. Construire un Etat fort. Nous ne l’avons pas fait. Par conséquent, le chaos règne et Daech en tire parti.

Si nous continuons à ne pas prendre les moyens d’anéantir Daech, le pire sera à venir. Un scénario noir se dessine : poursuite des massacres des minorités chrétiennes, druzes, alaouites, yazidis… ; basculement du Liban et/ou de la Jordanie, politiquement si fragiles, dans une situation de guerre civile ; recomposition explosive du Proche-Orient sur une base strictement religieuse ou ethnique (une zone sunnite de Mossoul à Damas, une zone « minoritaire » alaouite et chrétienne sur la côte libano-syrienne, un « chiitistan » Irano-irakien, un Kurdistan au nord) ; fragilisation de la transition démocratique exemplaire en Tunisie ; multiplication des attentats sur notre sol…

Pouvons-nous éviter ce scénario infernal ? Oui ! Nous avons dans nos mains les atouts diplomatiques et militaires pour en finir avec Daech. D’abord, il faut assécher ses financements venus d’une part de mécènes privés du Golfe et d’autre part du pétrole et de la contrebande qui passent par la Turquie. La Turquie doit faire cesser ces trafics. C’est d’ailleurs ce que demande le peuple turc qui a sanctionné dans les urnes Monsieur Erdogan aussi pour son double jeu avec Daech.

Ensuite, il faudra écraser militairement Daech. Ses 30 000 mercenaires n’ont ni porte-avions ni Rafales… Une vaste coalition peut en venir à bout. Bien sûr il ne s’agit pas d’envoyer des troupes occidentales seules. Ne reproduisons pas nos erreurs passées. Non, sous mandat de l’Onu, les Russes et l’Otan pourraient apporter leur appui aérien tandis qu’une force internationale, composée notamment de troupes issues d’armées du Moyen-Orient (Turquie, Egypte, Arabie, Iran) pourrait intervenir sur le terrain. Cela ne serait pas vu d’un mauvais œil par les populations locales qui souffrent de la tyrannie de Daech dont de nombreux contingents sont étrangers (Européens, Caucasiens, Maghrébins…). Il s’agirait pour cela de faire avancer, main dans la main, Iran et Arabie. Quel défi ! Leur rivalité est séculaire mais ils ont un intérêt commun : la fin de Daech. L’Iran car Daech a fait des chiites « hérétiques » ses principaux adversaires. L’Arabie car Daech revendique le leadership spirituel et politique sur la communauté sunnite et commence à agir dans le Royaume saoudien. En Lybie, il est clair que c’est à l’Europe de prendre directement ses responsabilités. La France est intervenue pour moins que cela au Mali ! La constitution d’une coalition regroupant armées européennes, américaines et d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Egypte, Tchad ?) doit avancer. Il en va de notre sécurité intérieure. C’est un test pour la crédibilité de l’Union européenne.

Enfin, la solution sera politique. Il s’agit de construire la paix sur des compromis acceptables par tous. En Irak, la cause de l’émergence de Daech est la frustration sunnite. Un nouvel Etat irakien -sur un mode fédéral ?- doit voir le jour donnant aux sunnites un large pouvoir, à l’image du statut dont jouissent les Kurdes. En Syrie, l’écheveau est plus complexe. Mais il existe des issues. Toutes les parties prenantes, sans exclusive, doivent discuter ensemble. A terme, on pourrait collectivement imaginer la constitution d’un Etat syrien, fédéral et laïc, respectant les minorités comme la majorité sunnite. Cela pourrait contenter les puissances régionales sunnites, qui regrettent que leurs coreligionnaires soient marginalisés depuis des années, tout autant que les Russes et Iraniens dont la priorité est la lutte contre l’islamisme salafiste. Pour la stabilité du Moyen-Orient, chiites et sunnites doivent maintenant trouver ensemble un modus vivendi durable, comme catholiques et protestants avaient réussi à mettre un terme aux guerres de religion en Europe avec le Traité de Westphalie de 1648.

Avec un peu d’imagination et beaucoup de volonté, rien n’est impossible ! La France doit réécrire de fond en comble sa ligne diplomatique avec réalisme et vigilance. La puissance de la France a toujours été, dans cette région du monde, d’être la seule à dialoguer avec chacun. Ceux qui ne se parlaient plus au Moyen-Orient passaient par la France pour le faire. Aujourd’hui la parole de la France est devenue inaudible et surtout non crédible : vouloir abattre les dictatures avec des alliés dictatoriaux n’a pas de sens ! La France doit retrouver son rôle singulier de passerelle entre les nations et de puissance qui peut discuter avec chacun, sans a priori : l’Iran et la Russie doivent notamment redevenir nos interlocuteurs. En un mot, il faut renouer avec la ligne gaullienne de la France qui parle à tous et qui est en initiative. Une chose est sûre : l’immobilisme diplomatique et militaire n’a que trop duré. Daech avancera tant que nous ne l’arrêterons pas. Pour notre sécurité, pour nos intérêts et pour la paix de nos consciences, il est urgent d’agir !

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