Pour un droit d’asile intelligent, contribuons à l’accueil des réfugiés syriens !

Je défends depuis des années le concept d’une droite décomplexée. Elle a souvent été qualifiée, à tort, d’excessive. Elle repose sur trois piliers équilibrés. D’abord des valeurs fondatrices autour de l’ordre, du progrès et de la liberté. Ensuite, l’exigence de nommer les problèmes et de dire les choses sans tabou ni langue de bois. Enfin, ne pas avoir la main qui tremble lorsqu’il s’agit de prendre des décisions courageuses, quitte à gouverner par ordonnances. Dans l’esprit de ces fondamentaux, le silence et la résilience que je m’impose depuis plus d’un an ont pour vertu, au fil des rencontres que je fais en France et à l’étranger, d’élargir mes réflexions, avec recul et sérénité, pour créer les conditions d’une France décomplexée qui surmonte ce mal-être qui la mine et la paralyse. Une France qui prend à bras-le-corps ces innombrables sujets qui sont ceux du 21ème siècle naissant.

Voilà pourquoi je veux vous dire ma position au sujet de cette épouvantable tragédie des milliers de réfugiés syriens qui cherchent à échapper à la barbarie de Daech et à l’horreur d’une guerre civile qui n’en finit pas. Personne ne peut rester indifférent au sort de ces hommes, femmes, enfants – nos frères en humanité – qui, après avoir tout perdu dans leur pays, viennent parfois mourir, dans des conditions atroces sur les côtes de l’Europe. Je pense bien sûr à l’image bouleversante du petit corps sans vie de cet enfant syrien retrouvé sur une plage.

Aujourd’hui, face à ce phénomène d’afflux de réfugiés d’une ampleur inédite (la seule Allemagne attend jusqu’à 800 000 demandeurs d’asile pour l’année 2015 !) il faut éviter deux dérives : l’inaction des pouvoirs publics qui institutionnalise de fait la clandestinité et la surenchère absurde dans le sens d’une inhumanité totale ou d’un angélisme naïf.

Posons donc le problème clairement pour sortir de l’immobilisme comme du populisme. La crise actuelle des migrants recouvre deux phénomènes distincts. D’une part une immigration illégale dite économique et sociale, qui emprunte essentiellement la Méditerranée en provenance de Libye pour rejoindre l’Italie. C’est un phénomène ancien instrumentalisé par des réseaux mafieux, qui doivent être combattus sans pitié. Pour lutter contre cette immigration clandestine, l’espace Schengen, à l’origine conçu pour assurer la libre circulation au sein de l’Europe, n’est à l’évidence plus adapté. A cet égard, je suis favorable à la création d’un Schengen II autour de principes simples : protection des frontières de l’Union, possibilité de rétablir les contrôles aux frontières de la France, exclusion temporaire d’un Etat membre qui serait défaillant, vols européens groupés pour éloigner les clandestins… D’autre part une immigration de réfugiés, demandeurs d’asile, pour la plupart syriens qui arrivent par les Balkans. C’est un phénomène récent que nous n’avions pas anticipé. Ces personnes cherchent simplement à fuir la guerre, la faim, la mort, l’oppression des barbares djihadistes. Elles ne veulent pas profiter de notre système social mais réussir sur notre sol. On ne tire pas un trait sur tout ce qui a fait sa vie dans le seul but de toucher des aides ! D’une certaine manière, cette immigration syrienne n’est guère différente des « boat people » vietnamiens des années 1970, des réfugiés libanais des années 1980 ou même des vagues de réfugiés de l’Entre-deux-Guerres qui fuyaient par milliers le bolchévisme, le nazisme ou l’antisémitisme. Ne confondons donc pas immigration illégale et demande d’asile.

Dans ce contexte, l’exemple nous est donné par l’Allemagne. Angela Merkel a assumé une décision courageuse en annonçant, dans la ville saxonne d’Heidenau, que l’Allemagne ouvrait ses frontières aux réfugiés syriens. Heidenau avait été le théâtre, quelques jours auparavant, de violentes manifestations racistes contre les réfugiés installés dans la ville. Aussitôt, Angela Merkel s’est rendue sur place, a condamné ces inacceptables violences et a tenu un discours d’une extrême clarté et d’une grande humanité : l’Allemagne accueillera les réfugiés syriens sur son territoire au nom du droit d’asile, mais luttera aussi avec la plus grande fermeté contre l’immigration illégale. Elle a même suspendu l’application du règlement européen de Dublin II, qui prévoit que le dépôt de la demande d’asile s’effectue dans le premier pays par le territoire duquel le réfugié est entré dans l’espace Schengen, afin que les Syriens puissent déposer leur demande directement en Allemagne.

Et la France dans tout cela ? Elle est extrêmement hésitante et chacun comprend bien pourquoi. Les Français ont été échaudés par des années d’échecs de l’intégration des personnes issues de l’immigration récente. Au passage, cet échec est celui d’une intégration mal conçue dès le départ, car muette sur les droits et devoirs de chacun, plutôt que l’échec du principe même de l’immigration. En outre, comment ne pas être traumatisé par les attentats qui se sont succédé sur notre sol depuis des mois ? Les Français sont profondément généreux mais doutent légitimement de la capacité de notre pays en crise à accueillir dignement des demandeurs d’asile.

Ces réserves sont parfaitement fondées : si nous gardons les mêmes législations économiques et sociales, ce sera l’échec assuré… Mais je trouve que nous devrions saisir cette opportunité à l’instar d’Angela Merkel, pour adopter enfin une position claire, humaine et ferme. En clair, je suis favorable à un droit d’asile intelligent qui décline le mot responsabilité aux deux sens du terme. Responsabilité parce que l’Europe, fidèle à sa tradition historique, doit accomplir son devoir en accueillant les demandeurs d’asile et en les répartissant équitablement entre Etats membres. Responsabilité aussi de fixer dès le départ les règles d’une intégration qui deviendra assimilation à l’image de ce qui s’est passé dans la France de l’Entre-deux-Guerres : les réfugiés devront apprendre le français, connaître et assimiler nos lois, travailler, respecter nos règles et nos traditions. Ils arrivent étrangers, ils doivent devenir Français. Bien sûr, tout cela ne sera pas facile : en collaboration avec les autres pays européens nous devrons œuvrer ensemble pour gérer toutes les questions liées à l’hébergement d’urgence, à la scolarisation, à l’adaptation de ces familles à l’Europe. La France ne peut réussir seule, l’Europe devra aussi s’engager pour relever ce défi.

J’ajoute qu’il s’agit là d’un point de rencontre entre nos valeurs et nos intérêts. Nos valeurs, car l’accueil, la défense des plus fragiles, l’humanisme et la protection des droits de l’Homme sont l’ADN même de notre République. Nos intérêts, car il faut s’intéresser à l’identité de ces réfugiés syriens. Ils sont principalement issus de la classe moyenne et de la bourgeoisie syrienne. Parmi ces derniers, on trouve des ouvriers qualifiés, des commerçants, des artisans, des médecins, des ingénieurs, des professeurs, dont beaucoup viennent de la grande ville d’Alep, capitale économique et intellectuelle de la Syrie. Beaucoup d’entre eux sont francophiles et francophones. Ce ne sont pas des islamistes… ils veulent échapper à Daech ! En clair, ces personnes sont motivées, compétentes, avides de paix et de liberté. Elles peuvent nous apporter beaucoup à condition que nous sachions aussi fluidifier et dynamiser notre marché du travail et notre économie. Je fais le pari que si la France est une chance pour eux ils seront une chance pour la France.

Sur le plus long terme, il faut agir pour trouver une solution politique qui permette aux Syriens de rester en sécurité dans leur pays. Comme je le disais avec Antoine Sfeir dans une Tribune de juillet dernier, cela passe, à mon sens, en priorité par une reprise du dialogue avec la Russie et l’Iran afin de créer au plus vite les conditions d’un anéantissement militaire de Daech.

Il est souvent plus confortable pour un décideur politique de dire : « non, je ferme les frontières ». Mais, dans les circonstances présentes, avoir le courage d’imaginer un droit d’asile intelligent, c’est peut-être donner une chance supplémentaire à ce qui sera demain le sursaut français.

Qu’en pensez-vous ?

JFC

Photo : © AFP CHRISTOF STACHE

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