Uber contre taxis… Sortir d’un débat du 20ème siècle !

« Uber » ! Pour certains, le nom de cette marque de VTC (voiture de tourisme avec chauffeur) est un repoussoir… Pour d’autres, au contraire, Uber serait le signe de l’avènement d’une modernité qui renverrait la vieille économie aux oubliettes… Uber contre taxis : pas de place pour la nuance ! Voilà l’un de ces débats typiquement français caractérisés par la recherche de boucs-émissaires, l’obsession du clivage et parfois la violence. Cette préférence pour l’idéologie et la confrontation sont deux symptômes de ce mal français, que j’ai décrypté dans mon livre le Sursaut français, qui nous empêche d’avancer ensemble vers plus de progrès. Autant dire que je ne vais pas me jeter dans l’arène et choisir un camp contre l’autre. Je voudrais ici aborder, avec bienveillance et pragmatisme, ce sujet qui agite notre société de manière stérile…

Première étape, comprendre « théoriquement » les enjeux. En France, dans ce secteur du transport privé, il y a eu longtemps un monopole pour les taxis qui, à la fois, exerçaient la maraude (hèler un taxi dans la rue) et la réservation (réserver par avance une voiture pour un trajet donné). A cause d’un numérus clausus datant de 1937, le nombre de taxis était limité en France afin d’assurer une rentabilité au secteur. De ce fait, un nouvel entrant ne pouvait obtenir le droit d’exercer qu’en achetant (souvent très cher) la « plaque » d’un chauffeur de taxi arrêtant son activité. Cela a conduit à une pénurie de taxis alors que la population a explosé depuis les années 1930.

Dans ce cadre figé, il y avait de la place pour une diversification de l’offre. C’est ainsi que sont apparus les VTC. Ils ont apporté une nouvelle approche du métier dans le domaine de la réservation (et pas de la maraude qui reste l’apanage des taxis) : payement par carte bancaire, géolocalisation, transparence des coûts et des trajets. Ils se sont alors heurtés à une franche hostilité des taxis. En réaction, le gouvernement a voté une législation aberrante qui freine le développement des VTC : obligation d’utiliser des berlines de luxe, obligation pour les chauffeurs de retourner à leur garage à la fin de chaque course, interdiction pour les applications mobiles de montrer en même temps la géolocalisation et la disponibilité des VTC (sic !)…

Deuxième étape : aller voir sur le « terrain » de quoi il s’agit ! Ce mercredi 3 février je me suis rendu dans les locaux d’Uber dans le XIXème arrondissement parisien. Un grand hall moderne. Sobre et élégant. Ici sont reçus près de 5000 personnes par mois qui cherchent à devenir chauffeur Uber. La discussion s’engage librement avec ces « candidats ». Hasard ou coïncidence, trois futurs chauffeurs viennent des quartiers de Meaux et me disent avec un grand sourire qu’ils ont trouvé là une solution rapide pour sortir du chômage et gagner leur vie… L’échange se poursuit avec des responsables de l’entreprise. Les chiffres qu’ils avancent méritent réflexion. Faisons un rapide tour d’horizon des reproches formulés contre les VTC…

Les VTC détruisent-ils l’emploi ? Selon le rapport Thevenoud 70 000 emplois pourraient être créés dans ce secteur afin que Paris et la grande couronne égale l’offre de Taxis/VTC de New-York. 100 000 emplois pour l’ensemble de la France. Il y a donc de la place pour le développement conjugué des taxis et des VTC. C’est un vivier d’emploi qui ne peut être négligé dans notre pays qui s’enfonce dans le chômage de masse…

Les VTC précarisent-ils ? 25% des chauffeurs actuels d’Uber étaient chômeurs avant de commencer cette activité. 45% viennent d’une zone où le chômage est supérieur à 15%. En d’autres mots, cette activité, non « délocalisable » et qui n’exige pas de qualification particulière hormis d’avoir son permis, est puissamment intégratrice. On ne peut d’un côté pleurer sur le chômage dans les quartiers et de l’autre empêcher cette activité adoptée par nombre de personnes issues des zones sensibles... Quant à « l’exploitation » des chauffeurs Uber, elle est fantasmée. Les chauffeurs sont des travailleurs indépendants qui déclarent leurs revenus et bénéficient d’une protection sociale. Ils reversent 20% de leur chiffre d’affaires à Uber qui, en échange, leur offre sa marque et ses services. Un chauffeur qui travaille 10 heures par jour peut espérer 7500 € de chiffre d’affaires mensuels. Après charges et impôts, il lui reste environ 2500 €, ce qui est supérieur au salaire moyen français…

Les VTC fraudent-ils ? Le principe des VTC est que les prestations sont toutes réglées par carte bleue et traçables… Impossible donc de frauder le fisc ! Les chauffeurs de VTC payent leurs impôts en France. En revanche, il est vrai que la société Uber, à l’image des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), a mis en place des mécanismes complexes, permis par le dumping fiscal exercés par certains Etats européens, afin d’échapper à l’impôt sur notre sol. Ce n’est pas acceptable, mais il ne s’agit pas là d’un problème spécifique à Uber. C’est un sujet plus large d’évasion fiscale : comment obliger les multinationales à payer des impôts dans les Etats où ils réalisent des bénéfices ? Cela ne pourra se régler qu’à l’échelon mondial par des coopérations fiscales entre Etats.

Bref, quand on reprend un à un les griefs contre les VTC (hors le service UberPop qu’il me semblait nécessaire a minima d’encadrer) on se rend compte que le débat est absurde… Les VTC révolutionnent certes ce marché du transport privé mais sans le mettre en danger. Au contraire, ils poussent tout un secteur à se moderniser pour le bénéfice des clients. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont plébiscités par les Français. Nous pouvons bien sûr faire vivre ensemble taxis et VTC en libéralisant progressivement l’exercice de ces deux professions qui sont complémentaires. D’un côté on pourrait lever certaines obligations des VTC qui mettent en danger la pérennité de leur travail (revenir au garage après une course, géolocalisation interdite…). De l’autre on pourrait assouplir la profession de taxi : suppression du numérus clausus afin d’élever leur nombre, liberté d’exercer au-delà de leur ville d’attache, augmentation de leurs points retraites pour les indemniser de la perte de la valeur de leur plaque ainsi que le propose l’économiste Jacques Delpa… J’ai la conviction qu’au final chacun peut s’y retrouver !

Un dernier point pour dépasser ce débat. La « Google car » roule depuis des mois maintenant sur les routes des Etats-Unis sans conducteur ni accident. Elle montre que l’avenir est sans doute à la voiture automatique… Plutôt que de nous battre pour préserver une profession dans les limites conçues par une réglementation de 1937, nous ferions mieux de nous projeter dans le 21ème siècle et d’imaginer ce que sera le transport demain… C’est ainsi que nous préparerons le Sursaut français !

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